Laure, la fondatrice de HO KARAN, se livre sur la quête de la peau parfaite. Un parcours tumultueux pour elle en 10 ans, entre des complexes et l'annonce d'un SOPK qui n'arrange en rien l'état de sa peau. Puis un événement, et une révélation. Un texte intime et sans filtre dédié à toutes celles et ceux qui ont du mal à s'accepter, voire tentent par tous les moyens de se cacher. Témoignage.
"Jusqu’à l’âge de 11 - 12 ans, je n'avais jamais réalisé que j’avais des pores sur la peau - qui à l'époque ne me paraissait ni lisse, ni rugueuse. C'était tout sauf un sujet d'inquiétude ! Excepté l'été évidemment, à partir du moment où ma peau celte passait par le rouge écarlate avant de dorer, malgré crèmes solaires et chapeaux couvrants. À part ça, je ne la scrutais pas, je ne la blâmais jamais. Je n’étais pas spécialement bien, ni mal dans ma peau. Je n’avais tout simplement pas pris conscience du fait qu’elle était ma principale interface avec le monde extérieur, et aussi mon plus grand organe. Celui sur lequel les gens posent leur regard en premier, celui qui trahit mes émotions en rougissant, ou ma fatigue en affichant grise mine.
À l’adolescence, les choses se sont corsées. Je n’ai pas fait partie des 15% d’adolescent.es souffrant d’une acné sévère, mais j’ai eu mon compte de pores dilatés, rougeurs, papules et autres kystes. J’ai alors entrepris une grande opération de camouflage, à coups de fond de teint liquide, poudre matifiante et anti-cernes bon marché. Ça aura duré 10 ans. Une décennie, sans que je puisse sortir de chez moi au naturel, trop honteuse de me présenter au monde avec une peau "imparfaite". J’essayais déjà de cacher un nez que je trouvais trop gros, un corps qui s’épaississait à vue d’oeil, une pilosité trop marquée... Ma peau était devenue la goutte d’eau et je faisais tout pour la faire disparaître sous une masse homogène.
A l’âge de 20 ans, lors d’une échographie prescrite à cause de cystites à répétition, on me diagnostique un SOPK, le syndrome des ovaires polykystiques. Je me souviens encore quand la gynécologue m'a annoncé, avec toute la légèreté du monde : “Vous aurez sûrement du mal à avoir des enfants. Mais ne vous inquiétez pas, on ne meurt pas d’un SOPK vous savez”. Non, je ne savais pas, et j'avais encore moins imaginé que l'on puisse remettre en cause ma fertilité à seulement 20 ans. L’absence de létalité, lui, a semblé être une bonne raison de ne pas traiter les symptômes. Sous prétexte de ne pas pouvoir guérir de cette maladie hormonale, beaucoup de femmes sont laissées sans solutions ! Pourtant, les désagréments du SOPK sont nombreux. D'abord, l’hyperandrogénie, caractérisée par de l’acné, l’hirsutisme (pilosité excessive), l’alopécie (chute des cheveux), mais aussi l’insulino-résistance. Cette maladie hormonale est douloureuse psychologiquement car vous vous sentez dénuée de féminité. Je suis finalement prise en charge par une dermatologue qui comprend l’impact d’un syndrome qui meurtrit autant ma peau que mon estime de moi. Pour diminuer l’acné, elle me prescrit une pilule contraceptive qui met en dormance mes ovaires et abaisse mon taux de testostérone. "C’est un pansement, me prévient-on, à l’arrêt de la pilule, l’acné reviendra".
En attendant, je continue de me tartiner de fond de teint, car même si mon acné diminue, elle ne disparaît pas, et ma peau est toujours loin d’être parfaite. Mes pores sont à mes yeux extrêmement dilatés et je m'attelle chaque jour à combler chacun de ces petits trous disgracieux pour atteindre mon objectif : avoir la peau lisse.
À 23 ans je lance HO KARAN, et je me sens comme un imposteur, une créatrice de cosmétiques avec une peau parfaitement imparfaite. Et c'est probablement la raison pour laquelle j'avais pensé à des soins pour homme au début. Comment se sentir légitime pour parler de peau féminine en me sentant si mal dans la mienne ?
En 2019, un ami dans la cosmétique me propose de tester sa toute nouvelle machine à oxygène au Bon Marché. Le deal : il doit me démaquiller l'ensemble du visage pour envoyer de l’air pulsé sur mon épiderme, et ainsi lui redonner du volume et de l’éclat. Je refuse. Il est inconcevable pour moi de me retrouver la peau nue au milieu d'un grand magasin parisien, et pire encore, devoir ensuite passer le reste de la journée sans fond de teint derrière lequel me cacher. Il insiste, m’indiquant qu’une démonstratrice d’une marque amie pourra me remaquiller si je le souhaite, mais qu’il est persuadé que je n’en aurai pas besoin. Je finis par accepter. Je suis incroyablement mal à l’aise mais je le laisse procéder au soin. Une fois fini, il me tend un miroir et me complimente “regarde comme ta peau est jolie et éclatante, tu n’as plus besoin de maquillage”. Pour être tout à fait honnête, ma peau n’est aucunement transformée à ce moment-là, mais mon estime de moi oui. Son regard et ses mots changent ma perception. La démonstratrice propose de m’appliquer un petit peu de poudre libre pour garder un effet mat sur le reste de la journée, mais rien de plus. Tous les deux insistent sur le fait que je ne dois plus m’enfouir sous des tonnes de fond de teint, que je ne fais que créer un cercle vicieux qui asphyxie ma peau. Cela fait évidemment des années que je le sais, mais la peur est plus forte. Peur d’être trouvée sale, repoussante, pas féminine, pas assez, trop. En rentrant, je décide de reléguer définitivement mon fond de teint liquide au placard et je prend une décision : il est temps d'avoir une peau saine, plutôt qu'une peau parfaite.
Le chemin est encore long et fragile. J’ai depuis travaillé sur les causes inflammatoires profondes de l’acné en mixant naturopathie, ayurveda, psychologie, alimentation vivante et hypnose. Je vous raconterai sûrement ce parcours dans un autre billet.
En attendant le plus important pour moi est d’avoir :
1/ une peau propre, avec un bon rituel de nettoyage qui ne soit pas décapant (ndlr : l'idéal, notre nouvelle routine nettoyante au chanvre, naturelle et efficace)
2/ une peau bien hydratée et nourrie
3/ une peau soignée, avec un maximum d’actifs naturels
Et surtout une peau qui reflète une bonne alimentation, un bon sommeil, et un esprit apaisé.
Il y a 2 mois, j’ai arrêté ma pilule, pour soigner mes inflammations en profondeur sans hormones de synthèse, et parce que je me lance dans un parcours de congélation de mes ovocytes (ce qui ne fera pas l’objet d’un billet). Comme prévu, l’acné est revenue au galop. Et force est d'admettre que ce n’est pas si facile à assumer quand on doit être le visage d’une marque de cosmétique. La tentation de me recouvrir de fond teint est souvent grande, mais dans ces moments-là, je me rappelle qu’avoir une peau saine est plus important que de montrer une peau parfaite.