Les enjeux de la sexualité féminine et masculine avec Dora Moutot

A l’occasion de la sortie de notre huile intime au CBD Libertine, nous sommes parties à la rencontre de Dora Moutot, autrice et créatrice du compte Instagram @tasjoui pour parler des enjeux de la sexualité féminine et masculine.


Quels ont été les enjeux de la sexualité féminine au fil du temps ?

Pendant longtemps, les croyances autour de la sexualité féminine étaient principalement que soit les femmes avaient trop de libido, soit pas assez. On a mis de nombreuses décennies à célébrer et à assumer l’existence du clitoris, car à l’époque les femmes n’avaient pas encore le droit d’étudier la médecine et de la pratiquer. Ce sont donc les hommes qui l’ont découvert, au cours du 16e siècle. A l’époque, on pensait qu’il avait une utilité dans la reproduction !

Plus tard, une autre croyance a fait son apparition concernant la masturbation féminine, où elle était liée à l’hystérie et était alors considérée comme une maladie. Pour soigner cette “maladie”, les médecins ont alors inventé les vibromasseurs, technique utilisée à l’époque en cabinet médical pour “calmer’ les crises d’hystérie…

Dans les années 80-90, la découverte du point G remet la pénétration au cœur des conversations. La pornographie se développe, l’industrie de la beauté également, qui concourent à alimenter ces nouvelles croyances autour d’une sexualité et du plaisir basés uniquement sur la pénétration. C’est comme si une partie de la liberté acquise dans les années 60-70 avait été perdue.

Comment éviter un backlash féministe pour ne pas faire reculer les droits des femmes de nouveau ?

Depuis 1998 jusqu’à aujourd’hui, la parole se libère. Pour ne pas faire reculer les droits des femmes, avoir conscience du fonctionnement du corps féminin est l’une des clés essentielles.

Le rapport aux règles, le syndrome prémenstruel, la ménopause, le sexe post-partum ou encore la FIV sont des sujets encore trop peu abordés de nos jours, alors que toutes les femmes peuvent être concernées à un moment de leur vie. La contraception a aussi participé à “mettre en sourdine” l’anatomie féminine, en déconnectant l’utérus du vagin et en coupant de ce fait les sensations ressenties tout au long du cycle menstruel.

Une démarche “éducationnelle” auprès des médecins est-elle nécessaire pour contribuer à faire bouger les choses ?

C’est en effet une vraie problématique. Aujourd’hui, sur les 8 livres de SVT proposés à l’école, seul 1 représente de façon correcte l’anatomie féminine ! On axe les cours principalement sur la reproduction, en coupant totalement l’apprentissage de ce qu’est le clitoris et de quoi il se compose, ce qui n’est pas du tout le cas du pénis par exemple.

A cause de la pornographie, de nombreuses femmes veulent passer par la case “labiaplastie” (réduction des lèvres du vagin) alors que cette technique comporte le risque de sectionner les nerfs présents dans le clitoris et de ne plus ressentir aucune sensation. Les médecins et gynécologues ont aussi réellement besoin d’être formés sur certaines anomalies clitoridiennes comme le phimosis.

En terme de sexualité, existe-t-il des différences entre pays ou orientations ?

En termes de statistiques, certaines études ont démontré que les femmes lesbiennes jouissent plus que les femmes hétérosexuelles. Dans les années 60 et 70, on incitait même les femmes bisexuelles à plutôt choisir les femmes que les hommes !

Entre pays, il existe en effet de nombreuses différences, mais celles-ci sont assez peu documentées et étudiées. On peut citer par exemple le taoïsme en Chine, où l’on apprend à maîtriser l'énergie sexuelle, ou le tantra en Inde où l’on apprend à maîtriser l’énergie de la kundalini que l’on retrouve aussi dans la pratique du yoga.

Comment est perçue aujourd’hui une femme qui parle ouvertement de sexe ?

C’est assez violent ! Plus la communauté augmente, et plus l’on est exposé à la critique, au harcèlement continu, qui vient principalement des hommes mais aussi des femmes !

Sur les réseaux, il est parfois difficile de faire passer des messages “nuancés” : il faut toujours être soit à gauche, soit à droite, ce qui donne lieu à de nombreuses interprétations. On est aussi victime de la “cancel culture”, qui se manifeste par du harcèlement par message privé, du harcèlement constant sur tous les réseaux avec l’objectif de faire craquer la personne pour faire disparaître les mots qui dérangent...Cela a également un impact sur la vie personnelle, notamment les relations avec les hommes.

Comment faire pour encourager l’égalité sexuelle entre les femmes et les hommes ?

 

Aujourd’hui, la pornographie est un vrai souci pour atteindre l’égalité entre les deux sexes. Ce qui excite les gens, ce sont le racisme, la domination, l’inceste. Le hashtag “teen” est l’un des plus populaires sur les sites porno, ce qui contraste totalement avec le mouvement metoo que l’on tente aujourd’hui de promouvoir. Il y a une vraie contradiction, un “monde parallèle” qu’on ne veut pas voir.

L’une des solutions possibles est de se tourner vers la pornographie féministe, mais il est parfois difficile de vérifier que le site web est 100 % transparent en matière de consentement et de rémunération sans preuve concrète. Une autre solution peut être aussi de se tourner vers le porno audio, par exemple les plateformes Voxxx et Coxxx.

Il faut aussi aborder le sujet de la dissociation : vers 30 ans, certaines femmes comprennent qu’on n’est pas obligées de faire une distinction entre le sexe et les sentiments. Il y a toujours cette image de femme libérée à la Sex and the City, une pression à coucher beaucoup quand est plus jeune, qui peut disparaître au fil du temps. Et c’est OK !

Quels sont les tabous sur la sexualité féminine et masculine qu’il reste encore à aborder en 2021 ?

Sur la sexualité féminine, il y en a plusieurs : la sexualité post-partum, la ménopause, la pénétration vaginale avec le point cervix par exemple, qui est abordé dans le tantrisme.

En ne parlant que du clitoris, on simplifie la sexualité de la femme alors qu’il y a plein d’autres techniques existantes.

Chez les hommes, les sujets de la circoncision et de la pénétration anale restent aussi très tabous, tout comme l’orgasme de la prostate, par manque d’informations mais aussi à cause d’une croyance ancrée liée à la soumission.

Parmi les initiatives récemment créées, on peut citer les comptes @tubandes, @les garçons parlent, mais aussi les podcasts Couilles sur la table et Coeur sur la table, qui contribue à réenchanter la sexualité.

 

Quelles sont les découvertes et les surprises que tu as pu faire avec ton compte @tasjoui ?

Au début, j’ai lancé ce compte sur un ton plutôt léger, drôle et sarcastique. Etant l’un des premiers comptes Instagram militants, j’ai reçu un flow de témoignages de femmes victimes de viol et de violence sexuelle auquel je ne m’attendais pas du tout, et qui me choquent encore aujourd’hui. Je me suis rendue compte que ces problématiques sont très courantes, et touchent toutes les couches de la société.

J’ai aussi découvert à travers ces témoignages le problème de l’inceste, bien avant le mouvement metoo. La domination masculine reste encore également très présente de nos jours : en tant que femme, on subit cette domination, on a tout le temps peur, on évite certains endroits. C’est un véritable problème qui génère du stress au quotidien et qu’on ne peut comprendre que si l’on a déjà ressenti cette peur.

Peux-tu nous parler (sans spoiler) de ton livre qui sort prochainement ?

Le livre est une extension du compte Instagram. Sur internet, on doit simplifier la pensée au maximum. Le livre me permet de complexifier et de développer mes pensées. Il parlera de nombreux sujets : de l’insatisfaction féminine en matière de sexualité, du plaisir au martyr, de tout ce qui a impact sur la sexualité féminine, et de domination masculine.

 

Quels conseils peux-tu donner à nos lectrices pour se réapproprier leur sexualité ?

Le premier conseil que je peux donner est de s’intéresser en priorité au fonctionnement de son corps, via des livres, des stages de tantra ou du yoga par exemple. L’idée est de réussir à s’accepter, et de s’affirmer par exemple en osant parler de ce qui ne va pas, ou en quittant une relation qui ne nous convient plus. Il faut aussi apprendre à s’affirmer face au système médical, qui a tendance à dire que le problème vient du mental alors qu’il peut exister un vrai problème anatomique. Accepter et assumer également les périodes d’abstinence face à la pression sociale.

 

Retrouvez Dora Moutot sur son compte Instagram



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