Chaque mois, Laure, fondatrice de HO KARAN, prend la parole par ici sur un sujet qui lui tient à coeur, et sans filtre. Elle raconte aujourd'hui les coulisses du quotidien d'entrepreneur, et plus particulièrement dans la cosmétique.
Entreprendre en cosmétique
Je me suis rendue compte au fil des années - notamment parce que j’ai fondé HO KARAN seule - qu’entreprendre dans la cosmétique demandait d’avoir un profil très complet et versatile. Aujourd’hui je me considère excellente dans aucun domaine en particulier, mais compétente sur plein de sujets, ce qui me permet de jouer le rôle de chef d’orchestre propre à l’entrepreneur.
En effet la cosmétique requiert des compétences en branding (design, communication, éditorial), en industrialisation (achats, production, logistique), en recherche et développement pour la formulation et parfois les packagings, en commercial pour gérer les distributeurs, en e-commerce et webmarketing, et évidemment en finance et gestion car cette industrie demande beaucoup d’investissements. Décidez en plus de cela de faire de la cosmétique au cannabis, et vous devrez aussi devenir compétent en lobbying et affaires réglementaires !
Au départ seule sur ces sujets, il m’a rapidement fallu m’entourer et créer une équipe. S’entourer de gens meilleurs que soi et les embarquer dans une vision est ce qu’on appelle couramment le management. Il y a paraît-il des écoles pour s’y former, mais je crois surtout qu’il faut expérimenter et apprendre sur le terrain - de ses erreurs plus que de ses succès - et auprès de pairs. Manager des femmes et des hommes me semble être aujourd’hui la tâche la plus ardue de l’entrepreneuriat !
Entreprendre en 2021
J’ai un quotidien très différent depuis quelques mois. Avant la crise du Covid nous avions un bureau à Nantes et un bureau à Paris et je faisais des aller-retours quasi hebdomadaires entre les 2 villes et équipes. Nous travaillons désormais entièrement en remote. Le premier confinement - qui a évidemment exigé une cure d’amaigrissement drastique de nos charges fixes - m’a également fait prendre conscience que j’avais besoin de vivre au bord de la mer, car c’est un milieu qui m’apaise énormément. J’aime autant être sous l’eau (apnée, plongée), que sur l’eau (en pratiquant la voile notamment). J’ai donc fait le choix de quitter Nantes, la ville où j’ai débuté HO KARAN, pour aller explorer d’autres contrées et notamment le Portugal qui m’attirait beaucoup. Je vis dans des colivings, des airbnbs ou chez des amis parfois, et je reviens une fois par mois à Paris et Nantes pour des rdv et voir l’équipe. Nous travaillons très bien à distance avec des points en visio, par téléphone, par email ou slack.
L’organisation de nos semaines chez HO KARAN
Nous avons deux points mensuels importants. Un point principal tous les premiers lundis du mois qui s’appelle le “comité de pilotage”. Chaque responsable de son pôle présente les chiffres du mois écoulé par rapport aux objectifs établis sur le trimestre et à l’année. C’est le moment de comprendre ce qui marche, ce qui ne marche pas et de réorienter la stratégie si besoin. Puis un autre point mensuel dédié aux opérations commerciales et marketing où l'on décline opérationnellement le plan marketing que je rédige annuellement. Enfin, des points hebdomadaires pour lancer la semaine, puis des one to one avec chaque membre de l'équipe pour l'aider à avancer sur ses sujets.
L’année dernière je me suis rendue compte que j’avais laissé ma vie personnelle se laisser complètement manger par mon agenda professionnel. J’étais extrêmement flexible, je m’adaptais aux contraintes de tout le monde, au détriment de ma propre organisation. Je me retrouvais à faire les sujets de fond comme les présentations ou mes emails après le dîner jusqu’à très tard ou le weekend, car je ne me laissais pas de temps dédié la semaine. Un entrepreneur américain Jim Rohn a dit “either you run the day or the day runs you”. Pour ne plus me laisser embarquer et m’épuiser, j’ai donc adopté cette année un découpage stakhanoviste de mon agenda, qui peut faire peur à certains, mais qui me permet d’avoir désormais des vrais temps de pause, et de travail de fond.
Voilà par exemple, à quoi ressemble une semaine classique :
- en bleu les visio/calls avec l’équipe
- en jaune des créneaux pour répondre aux emails et aux slacks 3 fois par jour. Ce sont des créneaux que je peux déplacer s' il y a une urgence ou un rdv à caler. J’essaie de ne plus passer mon temps à guetter les emails et les slacks, pour les vraies urgences - qui sont évidemment toutes relatives - les gens m’appellent.
- en violet mes temps de pause (déjeuner, sieste, sport). Je m’interdis désormais de manger devant mes emails, pour avoir une meilleure conscience de la façon dont je me nourris.
- en vert mes créneaux pour répondre aux réseaux sociaux, car je réponds personnellement à tous les DM et commentaires de l’Instagram @hokaran, et des créneaux pour écrire (articles de blog, réponses à des interviews, un livre qu’on m’a commandé etc…).
- en blanc ce sont les créneaux de libres restants pour caler des rdv et l’imprévu.
Trouver son équilibre
Le matin, je me réveille vers 8h car je me couche souvent après minuit. Je n’ai jamais été une lève-tôt, par contre je me sens très créative le soir, quand le flux de la journée est passée et que je sais que je ne vais pas être dérangée.
Mon template d’agenda de travail s’arrête néanmoins à 19h car j’aimerais atteindre cet idéal à terme de ne plus travailler le soir, et de garder ces moments pour des projets personnels. Dans les faits, je me remets souvent à travailler un peu après 21h, mais je le vois rarement comme une corvée. Je réponds en règle générale aux DM et commentaires Instagram vers 22h-23h une fois que toutes les autres tâches de la journée sont effectuées. Instagram a un fonctionnement particulièrement vicieux basé sur le FOMO (fear of missing out, c’est-à-dire la peur de manquer quelque chose) car les stories dans lesquelles nous sommes mentionnées disparaissent au bout de 24h si nous ne les avons pas consultées. Si je n’y réponds pas dans ce laps de temps, je sais que je ne pourrai donc plus y avoir accès. Après un an à me connecter tous les jours à Instagram pour répondre à tout le monde dans les temps, j’ai accepté de lâcher un peu désormais et je coupe le weekend.
Je travaille néanmoins toujours un peu le weekend s’il le faut ou si j’ai envie, suivant mon planning. Je ne fais pas de délimitation claire entre vie professionnelle et personnelle car j’ai la chance d’avoir une entreprise très intuiti personae, dans laquelle je peux réaliser mes projets et rêves, où beaucoup de relations de travail sont devenues des amies, et où je m’amuse beaucoup. Cette frontière floue est pour moi un luxe et non une contrainte car je me permets également évidemment de faire des choses très personnelles sur des horaires qui pourraient être perçus comme du temps de travail dans un cadre plus classique.
Les interviews d’entrepreneurs que je lis ou les podcasts que j'écoute, se font souvent l’écho d’un concours malsain à qui travaillera le plus, avec des hommes clamant qu’ils travaillent entre 70h et 90h par semaine. Personnellement quand je travaille 70h par semaine c’est un échec, car je sais désormais qu’au-delà de 60h par semaine je suis en surrégime et que je mets en péril mon sommeil, ma santé physique et mentale. Mon rythme de croisière est plutôt à 50h, ce qui me laisse le temps d’avancer les principaux sujets de HO KARAN avec clairvoyance et efficacité, tout en ayant une vie sociale, en faisant du sport, et en dormant correctement. Il m’arrive évidemment de travailler plus. Et il est très compliqué d’ailleurs quand on cogite constamment à son projet de savoir si une heure de réflexion est du travail ou non. Mais je sais qu’il est très important pour moi d’avoir des temps de pause et de recul, pour pouvoir rester créative et lucide.
Mon prochain challenge est de réussir à couper complètement pendant les vacances, car j’avoue avoir encore beaucoup de mal à ne pas répondre aux sollicitations slack ou emails ! Je serais curieuse de savoir comment vous vous organisez de votre côté, entrepreneur.se ou non ! N’hésitez pas à me partager vos astuces en commentaire ;)