Cela fait quelques mois que Laure, fondatrice de HO KARAN, est devenue “Digital Nomad”. L’idée : ne plus avoir d’endroit fixe et vivre où le vent la mène, partout dans le monde - et donc, y travailler aussi. Dans cette première partie, elle raconte pourquoi elle s’est lancée dans cette folle aventure et comment elle a préparé son départ, pour vivre notamment dans des espaces de co-living.
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Le 14 septembre, cela fera exactement 6 mois que je suis devenue « nomade », c’est-à-dire que je n’ai plus de pied à terre, plus de chez moi à proprement parler. Depuis 6 mois je me balade de colivings en Airbnb, ou en hébergement chez des amis et parfois à l’hôtel.
Devenir Digital Nomad : pourquoi ce choix ?
En mars 2020 quand le confinement est annoncé, cela fait 6 ans consécutifs que je vis à Nantes seule dans mon appartement. Avec HO KARAN, nous avons un bureau à Nantes et un autre à Paris, je fais toutes les semaines des aller-retours entre les deux villes. Je viens de faire une hernie discale (ndlr : un épisode douloureux qu’elle raconte ici), car même si le moral est au beau fixe, le corps fatigue. Je n’ai malheureusement pas le temps de me reposer, ni de me faire opérer comme initialement prévu, car en avril nous ouvrons un pop-up store à Paris et je m’occupe quasiment seule de ce projet.
Alors quand le premier confinement arrive soudainement, je travaille au départ très dur à tout réorganiser, m’assurer que les équipes vont bien, que les projets peuvent continuer ou muter. Puis je finis par me poser, et me demander ce que moi je veux, de quoi j’ai besoin pour être bien. Je questionne mon lieu de vie, mon rapport au matériel, à l’argent, au confort et aux autres.
Un besoin : vivre au bord de la mer
C’est ce que j’ai commencé par réaliser : j’avais besoin d’être au bord de la mer. J’aime être dans l’eau, sous l’eau (je pratique aussi souvent que je le peux l'apnée), au-dessus de l’eau. Je n’ai pas de voiture, ce qui fait qu’à Nantes je ne vais quasiment jamais à la mer (d’autant que je n'apprécie pas particulièrement La Baule). La décision est prise, il faut que je quitte Nantes pour aller sur une côte, mais laquelle…
Première étape : gagner sa liberté en s’émancipant du matériel
Je me sens également alourdie par mes possessions matérielles, bloquée dans un appartement dont je n’arrive pas à me séparer de peur de ne pas retrouver aussi bien, empêtrée dans des tonnes de fringues que j’ai accumulés au fil des années pour gérer mes frustrations, mes émotions négatives, et certainement des insécurités et un besoin de séduire.
Pendant les débuts HO KARAN je n’avais rien. J’étais étudiante, je n’avais pas les moyens de lancer cette boîte et pourtant je l’ai fait (en montant une pyramide de Ponzi de dette certes…). Je l’ai fait parce que je n’avais rien à perdre, la certitude que je m’en sortirais toujours, et que je rebondirais s’il le fallait. 6 ans après j’étais pétrie de confort et j’avais cruellement peur de perdre mon niveau de vie. Je sentais que je prenais moins de risques, que j’avais perdu un peu de la flamme entrepreneuriale du début et m'intéressais à des considérations matérielles et superficielles qui ne me ressemblaient pas.
Je prends donc une deuxième décision : je n’emporterai avec moi que 2 valises, mes essentiels pour vivre et travailler. J’avais besoin de m’alléger physiquement et mentalement pour regagner ma liberté.
Le but de ce mode de vie : se reconnecter aux autres
J’ai toujours été qualifiée de solitaire. Je n’ai pas de grande bande d’amis, mais des petits groupes éclatés. La vie sociale m’épuise, et je recharge mes batteries dans la solitude, qui me permet de penser, digérer ce qu’il se passe la journée. J’ai besoin de mon cocon, sûrement parce que j’ai aussi très peur de déranger l’autre par ma présence. Et c’est la raison pour laquelle j’avais choisi de vivre seule toutes ces années. J’ai d’ailleurs fondé HO KARAN seule, même si j’avais cherché à m’associer ! Il ne m’était pas concevable d’attendre quelqu’un pour me lancer. Solitaire, et fonceuse.
Mais pendant le confinement je me suis rendue compte que mes ami.es me manquaient. Pas seulement à cause de ces 2 mois d’éloignement, mais de toutes ces années que j’avais passées à travailler et où je ne les avais pas vus en me disant « plus tard j’aurai le temps ». Je ne voulais plus remettre à plus tard, je voulais m’organiser pour que ce soit possible et dès maintenant.
J’ai aussi beaucoup lu et réfléchi à nos modèles de société. Comme beaucoup, je me suis rendue compte que je ne connaissais pas mes voisins après toutes ces années, que la ville nous anonymisait. J’ai aussi pensé à ma grand-mère, en fin de vie dans un ehpad à Brest, seule, et je me suis demandé à quel moment on avait pu autant cloisonner les générations, et la société toute entière...
En cherchant des nouveaux modes de vie, je suis tombée sur le co-living, ou, les habitats partagés. Concrètement, le co-living s’organise généralement autour de lieux ouverts à tous (cuisine, salon, espaces de détente…) et des lieux privés (chambres, douches et toilettes individuels pour les plus luxueux). Je dis souvent que c’est le principe de la colocation mais avec la flexibilité de l’hôtel car on peut arriver et partir du jour au lendemain, sans n’avoir rien à gérer (internet, eau, électricité, équipements divers…). C’est donc plus cher qu’une coloc, mais souvent moins que l’hôtel. Mais surtout, le coliving c’est un état d’esprit, une volonté de mutualiser, de ne plus posséder, et de rencontrer l’autre.
En résumé, en juin 2020 : je décide de partir vivre au bord de la mer, avec 2 valises, dans un habitat partagé.
Vivre en co-living, ok, mais quelle ville choisir ?
Au sortir du premier confinement, je pensais seulement déménager et m’alléger. Je n’avais pas encore fait le chemin intellectuel de me dire que je pouvais partir à l’étranger, ni être nomade.
Etant consciente que j’allais devoir venir à Paris quelques jours par mois pour le travail, je me suis lancée en quête d’une destination bien desservie en train. Si vous avez lu mes précédents billets d’humeur (notamment celui où j’explique mon quotidien d’entrepreneuse) vous avez peut-être noté ma tendance à mettre ma vie et mes prises de décisions dans des cases ! J’ai donc naturellement ouvert un fichier excel et commencé à classer les villes de France en fonction des critères qui me semblaient importants : proximité de la mer, qualité des fonds marins, météo, ambiance, nombre d’habitants, prix des logements et accessibilité depuis Paris en train. (ndlr : si vous n'êtes pas fan des tableaux excel, il existe la "NomadList", un site qui répertorie et classe toute les destinations pour Digital Nomads dans le monde en fonction de la qualité de vie locale, de la météo, de la sécurité et même de la puissance du wifi !)
Mon top 3 est devenu : Marseille, Biarritz et La Rochelle. Je me mets donc en tête de visiter ces villes à divers moments de l’année pour les comparer et je commence par Marseille où je rejoins une amie qui vient de s’y installer pendant 15 jours en août.
Sauf qu’à la rentrée de septembre 2020, je parle avec un entrepreneur qui me vante les mérites de Lisbonne. Dynamique, cosmopolite, très entrepreneuriale, c’est la ville dans laquelle il se voit vivre. J’avais eu récemment l’exemple d’un couple qui vivait entre Paris et Lisbonne, et cette discussion fait sauter 2 verrous en moi : je peux choisir une destination à l’étranger, et j’ai le droit de prendre l’avion. Je pars pendant les vacances de Noël tester un co-living à Lisbonne. J’ai un coup de cœur pour cette ville et pour ce mode d’habitation et j’annonce à mes proches - peu surpris - ma volonté de partir m’y installer dans les prochains mois.
Mon préavis est donné, je me lance alors dans un chantier de “dépossession”. Grâce à l’aide d’une connaissance spécialisée dans la friperie, je vends les 2/3 de ma garde-robe (merci Amélie!). Grâce à la Ressourcerie, via leboncoin et l’application Give, je me sépare de tous mes meubles et de l’électroménagers. Le reste (livres, affaires de sport et des vêtements d’hiver) seront stockés chez mes parents en Bretagne - merci à eux !. Techniquement ma vie ne se résume donc pas qu’à 2 valises car je ne me balade pas avec ma bibliothèque, ma doudoune et mes après-skis, mais c’est ce avec quoi je vis au quotidien.
Dernière ligne droite, ma soirée d’adieu aux Nantais est organisée, et je pars le 14 mars 2021….
Dans la partie 2 - à suivre le mois prochain sur le blog de HO KARAN - Laure racontera son quotidien de digital nomad et fera le bilan après 6 mois d'expérience. Les villes où elle élit domicile (une quinzaine pour l'instant), comment bien s’organiser, le budget mensuel, les contraintes, mais surtout la façon dont ce mode de vie l’a complètement transformée. Spoiler alert : on vous montrera peut-être un nouveau fichier-excel-d'organisation-de-vie ;)