Billet d'humeur : Pourquoi je suis devenue digital nomad (2/2)

Depuis mars 2021, Laure, fondatrice de HO KARAN, est Digital Nomad. C'est-à-dire qu'elle n'a plus de résidence fixe, et vogue au gré de ses envies dans les villes qui la font vibrer. Dans cette partie, elle raconte quels ont été ses différents point de chute, et en quoi ce mode de vie l'a transformée en quelques mois à peine.

 

À lire : "Pourquoi je suis devenue Digital Nomad", la partie 1 de cet article où Laure explique pourquoi avoir pris cette décision et comment s'organiser en amont.

De Lisbonne au nomadisme

Ayant des billets pour Dubrovnik à utiliser avant mai 2021 (vestiges du confinement), je décide de partir télétravailler 10 jours là-bas, toute seule. À peine arrivée à l'époque, le 3ème confinement français était annoncé et je faisais le choix de prolonger mon séjour. Finalement, j’apprécie cette nouvelle liberté, les lieux que je découvre et les rencontres que je fais. Avec seulement 2 bagages, je peux me déplacer où je veux, sans contrainte. Et même si je mourrais d’envie de découvrir Lisbonne, je ne pouvais pas me contenter de cette ville uniquement ! C'est à cet instant que je décide de devenir nomade pour une durée indéterminée et liste tous les pays et villes à moins de 3h de décalage horaire de Paris que je souhaite visiter.

Voici les destinations - non préméditées - depuis mars 2021 :

  • Dubrovnik
  • Dubai (pour le travail)
  • Lisbonne
  • Le Crouesty (sur un bateau)
  • Sesimbra (au sud de Lisbonne)
  • La Torche (Bretagne)
  • L’île des Embiez (PACA)
  • Thuyets (Ardèche)
  • Toulon
  • Marseille
  • La Corse (en bateau)
  • Ténérife
  • Peniche (Portugal)
  • Porto
  • Biarritz
  • San Sebastian (Espagne)
  • Formentera
  • Ibiza
  • Taghazout
  • Imsouane
  • Tamraght

Avec des passages sur Nantes, Paris et Rennes pour voir mes équipes et ma famille.
Si j’envisageais initialement de rester 10 à 20 jours par lieu, l’été a beaucoup accéléré mes déplacements. C’est l'un des points que je veux corriger depuis la rentrée de septembre 2021 : ralentir !

Le nomadisme : où quand le vide créé des opportunités

Quand j’étais à Nantes j’avais un loyer à payer. Partir de chez moi impliquait donc souvent une double dépense, et même si je n’ai jamais été près de mes sous, je pense que c’est l'une des raisons qui me retenait. Étant constamment en déplacement entre Nantes et Paris, j’avais aussi le sentiment de devoir rester chez moi quelques jours d’affilée. Avec le nomadisme, il faut constamment trouver un lieu où vivre - ce qui est sûrement fatiguant pour certains - ce que je trouve personnellement très excitant. Toutes les opportunités deviennent bonnes à prendre, et après 8 mois il est évident que je n’ai jamais passé autant de temps avec mes ami.es. Comme ils vous savent sur la route, ils vous proposent de passer. Un rdv professionnel devient également une excuse pour rester plus longtemps dans une nouvelle destination, et finalement créer d’autres opportunités. Je me retrouve à passer du temps très qualitatif avec des gens que j’avais à peine le temps de croiser sur Paris, dans leur ville d’origine ou de villégiature.

Ce que le nomadisme a changé chez moi

Je me suis re-sociabilisée dans ma vie privée. Je n’ai plus peur de déranger, et de ne pas avoir mon “cocon à moi”. Cela peut paraître étrangement formulé, mais je me sens chez moi en moi. J’ai quelques rituels et affaires qui m’importent, et cela me suffit à me sentir chez moi, peu importe où je dors, où je vis et avec qui. J'ai dormi par exemple presque 20 jours dans des chambres partagées avec de parfaits inconnus, et cela ne m'a pas du tout dérangée alors qu’il m’aurait été impossible de le concevoir il y a quelques mois.

Quelques semaines avant le premier confinement j’avais été invitée à témoigner au salon des entrepreneurs de Paris et je me souviens avoir prononcé cette phrase “on entreprend en pensant être libre, mais on devient souvent esclave de notre propre entreprise”. C’était ce que je ressentais à l’époque car j’étais fatiguée, financièrement pressurisée et j’avais beaucoup sacrifié ma vie personnelle. C’est une phrase qu’il ne me viendrait plus à l’esprit de prononcer aujourd’hui. Contraindre mon entreprise à mon agenda, et non mon mode de vie à mon entreprise, m’a permis de (re)gagner ma liberté.

Ayant créé HO KARAN pendant mes études, je n’ai pas eu d’expérience professionnelle de jeune expatriée. J’ai donc également la sensation de revivre ce moment post-étude, quand on commence à être indépendant et qu’on explore de nouveaux d’horizons !

 


Travailler au quotidien quand on est Digital Nomad

En grossissant le trait, je n’ai besoin que d’un carton avec tous nos produits HO KARAN, un ordinateur et une bonne connexion wifi (que j’ai toujours quoi qu’il arrive grâce à mon partage de connexion téléphone). Il est parfois compliqué de me faire livrer la dernière soumission d’un produit en développement, mais globalement je m’en sors bien, il suffit d’anticiper un peu plus et d’accepter certains temps longs.

La frontière entre la semaine et le weekend est encore plus floue, ce qui n’est pas pour me déplaire étant donné que je mets dans HO KARAN beaucoup de mes projets de vie. Je ne fais pas partie de ceux qui prônent une séparation stakhanoviste de la vie pro et de la vie perso, loin de là. Je prône l’amusement, le sens et la passion.

Même si les 8 personnes de l’équipe HO KARAN sont en full remote et ont la possibilité de travailler d’où elles veulent, elles sont de par notre histoire majoritairement répartis entre Nantes et Paris. Je rentre donc à Paris une fois par mois pour des rendez-vous et à Nantes toutes les 6 semaines à 2 mois. Tous les autres échanges se font par visio, appels, emails, et slacks (comme je vous l'expliquais dans cet article).

Le pouvoir de lutter contre la routine et de se créer des souvenirs

Lorsqu’on travaille derrière un ordinateur une bonne partie de la journée, les heures et les jours s’écoulent de manière linéaire et finissent par se ressembler. Lors des divers confinements le temps est finalement passé très vite car je ne pouvais plus bouger, et après 2 mois en me retournant j’avais l’impression de ne rien avoir accompli.

Le fait de changer de lieu constamment permet de casser la routine, de garder de l’entrain et de se créer plein de souvenirs. Quand je repense à Dubrovnik j’ai l’impression que c’était l’année dernière car il s’est passé 1000 choses depuis, j’ai l’impression d’avoir vécu plein d’aventures et rencontré beaucoup de nouvelles personnes !

Budget : combien coûte le nomadisme ?

Il y a autant de façons de pratiquer le nomadisme que de personnes. Vous pouvez choisir de vivre en van, de n’être hébergé que chez des proches, de faire du woofing ou d’être dans une dynamique de workaway. En ce qui me concerne, je dois être dans les meilleurs conditions pour continuer à gérer HO KARAN, et pour que mon mode de vie ait le moins d’impact possible sur les performances de l’entreprise. Je ne peux donc que vous donner une estimation de mon coût, qui à mon sens est une version luxueuse du nomadisme, et j’en ai parfaitement conscience.

Dans les grandes lignes :

- Logement : environ 1500€/mois, le prix d’un gros loyer parisien sauf que vous changez 3 ou 4 fois de lieu dans le mois et que tout est pris en charge.

- Transport (trains, avions) : environ 500€/mois

- Nourriture (incluant restaurants, sorties diverses) : environ 750€

Vous l’aurez compris, ce n’est pas vraiment une année où j’ai décidé de mettre de l’argent de côté ! Mais c’est une tranche de vie pour moi où je me nourris de rencontres et de découvertes.

Valise, déplacements, rendez-vous professionnels... Comment s'organiser ?

J’essaie de connaître mes dates de déplacements à Paris un mois à l’avance, notamment parce que l'on enregistre notre podcast HO KALM le plus souvent en live, à Paris, et qu’il faut se coordonner avec nos invités. Mon organisation se fait néanmoins principalement à 15 jours. Je suis capable de vous dire dans quel logement je serai et quels sont mes horaires de train 7 à 15 jours à l’avance max. Ensuite ? Je ne sais pas. J’ai souvent des envies mais rien de sûr. Ça me permet de laisser place à l’imprévu, de changer d’avis et encore une fois, de créer de nouvelles opportunités.

L’organisation de mes valises :

Pour les vêtements, j’ai décidé de miser majoritairement sur des classiques et intemporels : un t-shirt blanc, un t-shirt noir, un jean blanc, un jean noir, un jean brut, une robe blanche, une robe noire etc… Je privilégie les jolies coupes et matières (chez Hopaal, Cos et Réuni notamment) et j’ai choisi seulement 2 robes, une chemise et un kimono avec de la couleur et des motifs pour ne pas ressembler à Mark Zuckerberg - célèbre pour porter le même t- shirt gris et jean chaque jour ! J’ai évidemment quelques vetêments verts pour les “représentations professionnelles”. Il est souvent compliqué d’avoir accès à une machine à laver dans les colivings, c’est pourquoi c’est devenu l'un de mes critères principaux quand je choisis un Airbnb aujourd'hui.

 


Les principales contraintes dans ce mode de vie

Même si ce mode de vie me convient parfaitement actuellement, il y a forcément quelques points négatifs :

- La charge mentale : il peut être vite fatiguant d’être constamment sur la route, de réserver ses trajets, ses logements ou retrouver ses bagages perdus par les compagnies aériennes ! L’organisation fait partie de l’excitation du voyage mais prend énormément de temps. J’ai appris à être moins exigeante et à aller de plus en plus vite quitte à payer un peu plus cher pour m’éviter des détours et galères inutiles. Sur les prochains mois, je vais essayer de rester plus longtemps dans chaque ville pour limiter cette contrainte.

- La qualité du sommeil : ne pas toujours dormir dans le même lit peut impacter la qualité du sommeil - je me suis d’ailleurs réveillée plusieurs fois en me demandant où j’étais. Les premiers mois j’avais l’impression d’être plus fatiguée, et de moins bien dormir. Ces derniers temps j’ai partagé des chambres avec des inconnus, et il m’est arrivé de finir sur le canapé car la personne à côté de moi ronflait trop pour que je puisse dormir...

- Être constamment chargée : ne pas avoir de pied à terre central où laisser des affaires m’oblige à voyager avec (presque) toute ma vie. Je me suis plusieurs fois demandée si je n’allais pas prendre une chambre dans une colocation sur Paris pour pouvoir y laisser des affaires, puisque j’y repasse une fois par mois pour le travail. C’est un budget conséquent, c’est pourquoi je n’ai pas encore sauté le pas, d’autant que j’ai peur de passer trop de temps à Paris “par confort” si j’ai un pied à terre là-bas.

- Sociabiliser : les rencontres étant éphémères, je manque parfois de motivation pour discuter avec les gens que je croise dans les colivings ou activités sportives que je pratique. L’inverse est également vrai, je suis vue comme la personne de passage, celle qui partira.

- Se justifier : les 2 questions qui vous définissent souvent en tant que personne et qu’on vous pose constamment sont : “où habitez-vous ?”, et “que faites-vous dans la vie ?”. Au début, je répondais par “nulle part” et “je suis entrepreneuse dans le bien-être au chanvre”, puis s’en suivait parfois de nombreuses questions auxquelles je n’avais pas forcément envie de répondre. Quand je n’ai pas le temps, ou l’envie de me justifier, il m'arrive de répondre que vis à Nantes et que je suis commerciale pour une marque de cosmétiques ! De même, dire “je ne peux pas je suis à Formentera” n’est pas spécialement bien reçu comme justification quand on rate un événement professionnel ou familial. Beaucoup de vos proches et relations professionnels vont d’ailleurs penser que vous êtes constamment en vacances et que vous vous la coulez douce. J’ai appris à lâcher prise là-dessus et à ne rendre de comptes à personne.

- Le sport / les passions : il m’est impossible de m’inscrire dans une salle de danse, et le parquet me manque terriblement. Le yoga ne remplacera malheureusement jamais la danse pour moi !

- Le bilan carbone : même si je fais une partie de mes trajets en train, je prends également beaucoup l’avion, ce qui implique une culpabilité carbone.

Mes meilleures astuces quand on débute dans le nomadisme

- Doubler ses papiers d’identité et ses moyens de paiement : je me suis fait voler mon portefeuille à Porto avec à l’intérieur tous mes papiers et moyens de paiement, à l’exception de mon passeport et une carte de crédit qui étaient dans autre sac. Cette astuce m’a permis de ne pas me retrouver complètement bloquée au Portugal sans argent, et de pouvoir continuer à voyager.

- Toujours avoir un téléphone de secours : j’ai également acheté une 2ème carte de sim au même numéro liée à mon forfait actuel et je loue sur Mobile Club un 2ème téléphone portable pour 10€/mois. Si je casse ou perds l’actuel à l’étranger, j’ai donc une solution de dépannage immédiat.

- Limiter le décalage horaire : pour l’instant, je me limite à 3h de décalage horaire maximal entre la France (métropole) et le lieu où je séjourne, afin de ne pas impacter mes équipes et partenaires. Je veux que cela soit transparent pour eux, et que mon mode de vie personnel n’ait aucune répercussion sur nos rdv, points et réunions.

Ce mode de vie, pour combien de temps ?

Je ne me suis pas donnée de date de fin pour le moment. J’aimerais prolonger d’au moins 4 mois encore car la liste des destinations que je souhaite explorer est sacrément longue. Nous avons pour projet d’ouvrir une boutique à Paris en mai 2022 (ndlr : et oui, surprise !). J’ai donc en tête de devoir rester dans la capitale à minima les 3 mois précédant l’ouverture pour superviser les travaux. Où ? Dans un coliving (s’ils se démocratisent dans le centre parisien d’ici là !) ou dans une colocation. Ensuite ? Je n’exclue pas de repartir voyager, ou j’aurai peut-être trouvé une ville de laquelle je ne pourrai plus me détacher d’ici là. Qui sait ?

 


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